Nous allons aborder un point très critique de l’aquaponie qui, s’il est sous-estimé ou mal agencé, peut impacter sur tous les compartiments : compartiment horticole, piscicole et bactériologique.
C’est pourquoi je vais vous détailler ici les règles d’or d’une bonne filtration en aquaponie! Si vous avez lu mon ebook, il m’est arrivé de dire que la filtration n’était pas obligatoire mais fortement recommandée. Avec l’expérience et le recul, maintenant je n’affirmerai plus ou alors je complèterai mes dires en ajoutant : « une bonne filtration en aquaponie n’est pas obligatoire mais elle est fortement recommandée si vous voulez que l’équilibre de votre système aquaponique perdure dans le temps et que vous ne rencontriez pas de problème ».
Une bonne filtration doit permettre de retirer toutes les matières solides en suspension (MES) de l’eau du système. Les MES étant principalement issues d’aliments piscicoles non-consommés par les poissons, de leur déjections mais aussi des matière organiques provenant des différentes phases de vie des végétaux (racines mortes, feuilles, etc.). Une filtration ne sera jamais trop grosse.
Si ces matières solides en suspensions ne sont pas filtrées et retirées de l’eau du circuit avant de passer dans les compartiments horticoles, elles risquent de s’agglomérer sur les racines des plantes empêchant la bonne assimilation des nutriments et pouvant entraîner des moisissures sur les racines. Ces mêmes matières en suspensions vont aussi s’accumuler progressivement dans les zones de faible débit d’eau provoquant alors l’accumulation de gaz nocifs et une dénitrification. On peut aussi parler de substrat colmaté, d’apparition de zones anaérobies et de hausse du pH du système. Vous l’avez compris, les filtres en aquaponie sont la pierre angulaire d’un système aquaponique réussi.
Les différentes étapes de filtration :
1. La filtration par sédimentation ou décantation
La filtration par sédimentation (ou décantation) est une filtration grossière ayant pour effet de filtrer uniquement les particules ayant une densité élevée. Elle est importante malgré tout car elle permet d’enlever facilement une bonne partie des MES y circulant et son gros avantage est qu’il est très facile de nettoyer ces filtres de type Radial, Swirl ou RFS. Pour qu’un filtre à décanter fonctionne de façon optimale, il faut que l’eau qui la traverse mette au moins 30 minutes. En d’autres termes, le temps de rétention de l’eau dans ce filtre soit de 30 minutes pour que la sédimentation se passe au mieux.
Etant donné qu’il est très simple de nettoyer les filtres à sédimentation, on les place naturellement en amont des filtres mécaniques qui eux, filtrent encore plus fin mais sont parfois longs à nettoyer. Pour résumer, tout ce qui est déjà filtré dans les filtres à sédimenter ne sera pas à nettoyer dans les filtres mécaniques! Le gain de temps est important et non négligeable dans le cadre d’une installation aquaponique professionnelle.
Vous trouverez toutes les informations pour fabriquer votre filtre à décanter en cliquant ici.
2. La filtration mécanique
La filtration mécanique est un processus de filtration effectué à l’aide de mousses, de grilles, de brosses ou de médias fixes. Cette filtration peut s’avérer très efficace puisqu’elle permet de filtrer des éléments très fins. C’est dans ces filtres que finissent toutes les matières solides en suspensions qui n’ont pas été filtrées par les filtres à décanter (=filtres à sédimentation).
Cette méthode de filtration mécanique a l’avantage de filtrer fin mais elle a aussi l’inconvénient de nécessiter du temps pour la manutention : lavage, rinçage, décolmatage, etc. Cette opération peut être consommatrice d’eau c’est pourquoi il est conseillé de laver ses brosses et mousses au dessus d’un bac pour récupérer les eaux de lavage afin de les réintégrer ensuite, une fois décantées, dans l’eau du système aquaponique. En fonction de la quantité de nourriture quotidienne données à vos poissons, il se peut que vous ayez à retirer quelques kilos de matière filtrée de façon hebdomadaire, voire même quotidienne.
On peut très souvent voir des filtres mécaniques fabriqués maison avec des mousses, des brosses et autres matériaux de filtration. Dans les plus gros systèmes professionnels, ce filtre mécanique est très souvent un filtre à tambour, plus coûteux et plus technique, mais très efficace et avec lavage automatique… tout est question de dimensionnement et de budget… mais aussi de choix : low-tech et résilience ou high-tech et dépendance? (…telle est la question).
Le filtre multi-chambre du commerce :
Exemple de filtres mécaniques faits maison mais terriblement efficaces aussi :
Vous trouverez toutes les informations pour fabriquer votre filtre mécanique en cliquant ici.
3. La filtration biologique
La filtration biologique n’est pas un filtre qui filtre mais plutôt un filtre qui transforme. Comme j’aime souvent le dire, le biofiltre est votre réacteur. C’est là que vos bactéries vont transformer l’ammoniac (NH3 et NH4 + ) en nitrite (NO2) puis en nitrate (NO3).
Le biofiltre est l’endroit où les bactéries sont les plus présentes, actives et nombreuses d’un système aquaponique. On peut parler de véritable élevage de bactéries dans ce biofiltre (biofiltre pour filtre biologique). Ces bactéries étant en majorité sédentaires, nous devons leur offrir un milieu propice à leur développement et c’est pour cela que le biofiltre est saturé en oxygène au moyen d’oxygénateurs, pierres poreuses ou diffuseurs d’air et c’est aussi pour cela qu’on utilise des médias offrant une très grande surface de contact pour que les bactéries puissent s’y développer par millions. On parle de biofiltre sur lit fluidisé dans le cas d’un biofiltre où les bioballs sont brassées par le courant d’eau et par l’air injecté.
On place toujours le biofiltre en fin de ligne de filtration pour que seule de l’eau propre et filtrée passe dans le biofiltre. Si on ne respectait pas cet ordre primordial, les matériaux ou bioballs utilisés dans le biofiltre se colmateraient et feraient office de filtre mécanique ce qui n’est pas du tout le but recherché.
Pour dimensionner son biofiltre en aquaponie, il faut prendre en compte la surface de colonisation bactérienne possible et le mettre en rapport avec la quantité et le type de nourriture donnée et de la quantité d’azote ammoniacal totale que cela va générer (TAN = Total Azote Ammoniacal). Il vous faudra alors calculer la surface nécessaire aux bactéries pour traiter le plus rapidement possible.
A noter que dans les systèmes aquaponiques en sandponics ou tables à marées sur substrat, il n’est pas toujours nécessaire d’avoir recours à un filtre biologique puisque les bactéries vont se développer majoritairement dans le substrat offrant une très grande surface de colonisation bactérienne. A terme, ces bactéries seront aussi présentes sur les racines de vos plantes, sur les parois de vos bacs de culture et bassins, dans les tuyaux, etc. Elles vont se développer partout où elles pourront se fixer.
4. Evacuation/traitement des boues et effluents piscicoles en aquaponie
En aquaponie, rien ne se perd et le cycle opère tout au long du processus de culture. Je vous recommande fortement de ne pas jeter vos boues issues de la filtration, elles sont un véritable trésor! J’ai déjà rédigé un article sur la minéralisation des boues en aquaponie et je vous invite à le lire si ce n’est pas déjà le cas. Dans cet article je vous décris comment je réintègre mes boues et effluents piscicoles afin de véritablement « boucler la boucle » du cycle de l’aquaponie.
Le bon ordre des filtres en aquaponie
Si vous avez suivi la logique de la filtration en aquaponie, vous tomberez sur le circuit de filtration suivant :
J’espère que cet article vous aura été utile et je vous invite à laisser vos commentaires pour témoigner ou débattre sur la façon dont vous réalisez vos filtres en aquaponie.
A bientôt,
Pierre H.